Le Ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena

Qu’en ont pensé les lectrices optimistes ?

Elles ont aimé :

  • l’approche différente d’une période de l’Histoire
  • Toute la tendresse et la pudeur dans le récit

Elles ont moins aimé

Le Ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena
Titre original (Date 1ère publication)
Traduit par Traducteur
Parution le 22/08/2019 aux Editions P.O.L.
192 pages

Présentation de l’éditeur : Buenos-Aires, 1940. Des amis juifs, exilés, se retrouvent au café. Une question : que se passe-t-il dans cette Europe qu’ils ont fuie quelques années plus tôt en bateau ? Difficile d’interpréter les rares nouvelles. Vicente Rosenberg est l’un d’entre eux, il a épousé Rosita en Argentine. Ils ont deux enfants. Mais Vicente pense surtout à sa mère qui est restée en Pologne, à Varsovie. Que devient- elle ? Elle lui écrit une petite dizaine de lettres auxquelles il ne répond pas toujours. Dans l’une d’elle, il peut lire : « Tu as peut-être entendu parler du grand mur que les Allemands ont construit. Heureusement la rue Sienna est restée à l’intérieur, ce qui est une chance, car sinon on aurait été obligés de déménager. » Ce sera le ghetto de Varsovie. Elle mourra déportée dans le camp de Treblinka II – « ce camp où en un an, les nazis avaient réussi à éliminer près d’un million de personnes. » C’était l’arrière-grand-mère de l’auteur.
Santiago Amigorena écrit le roman du silence, celui de sa famille partie en Argentine pour fuir le nazisme. Il raconte surtout le « ghetto intérieur » de l’exil. La vie mélancolique d’un homme qui crée une famille, s’invente une vie à l’étranger, tout en devinant puis comprenant la destruction de sa famille en cours, et de millions de personnes. Vicente et Rosita étaient les grands-parents de l’auteur qui écrit aujourd’hui : « Il y a vingt-cinq ans, j’ai commencé un livre pour combattre le silence qui m’étouffe depuis que je suis né ». Ce roman est l’histoire de l’origine de ce silence.

L’avis de Manon :

Vicente Rosenberg, juif de Pologne s’installe en Argentine en 1928 laissant sa mère en Pologne. Pologne envahie par les Allemands durant la deuxième guerre mondiale. Les juifs sont alors tassés dans des ghettos soumis à la maladie et surtout à la faim.

Lorsque l’étau se referme sur sa mère qu’il n’a pas pu convaincre de le rejoindre avant et dont les conditions de vie se rappellent à lui sous forme de lettres qu’il n’ose même pas dévoiler à sa femme, la culpabilité envahit Vicente qui s’enferme dans un mutisme qui l’isole de sa femme et de ses enfants. Ce mutisme, cet enfermement sont comme des punitions qu’ils s’infligent, c’est sa réflexion sur qui il est : juif ? polonais? Argentin ?

L’auteur dévoile également ce qui se prépare doucement, les étapes et les conditions qui ont amenées la “solution finale”, les chambres à gaz, l’inimaginable, la volonté de destruction, d’extermination. La Grande Histoire s’insère dans le récit, ne le rendant que plus effroyable. 

L’auteur nous livre un personnage touchant, bouleversant en toute simplicité sans s’y morfondre. Mais il le met en parallèle à toute cette effroyable projet de “la solution finale”. Ce qui ne fait, pour le lecteur que montrer son impuissance, face à la situation de sa mère et face à ce qu’il ne peut soupçonner. Un personnage minuscule à son échelle, victime lointaine géographique d’un projet qui paraît irréel, inimaginable, mais que l’on sait programmé. 

C’est une très belle plume que celle de Santiago H. Amigorena. Une plume fluide, agréable, tendre. il y a également et heureusement beaucoup de tendresse dans ce récit. Cette tendresse c’est celle qui est décrite entre le couple de Vicente et Rosita, la tendresse envers leurs enfants et surtout celle dans les lettres de la mère de Vicente. 

L’avis de Cécile :

Je savais en débutant ce roman de Santiago H. Amigorena, faisant partie de la sélection d’octobre du Grand Prix Elle, que ça n’allait pas être une lecture joyeuse. Bon et bien, déjà je ne me suis pas trompée, c’est effectivement assez triste mais aussi très émouvant.

Santiago H. Amigorena nous offre un point de vue sur la Shoah différent de ceux que l’on a déjà pu lire : la vision qu’il nous présente, c’est celle d’un homme à des milliers de kilomètres de sa mère restée à Varsovie, un homme qui ne sait pas ce qu’il se passe, qui ne peut que l’imaginer et se sentir coupable.

Cet homme, c’est Vicente, polonais, juif ou argentin, il ne le sait plus trop en ces temps troublés de la Deuxième Guerre Mondiale, pendant que des hommes décident du sort des juifs en Pologne, décident qu’ils n’ont plus le droit de vivre.

Alors, il se renferme, ne parle à personne de ce qu’il ressent, comme si ça allait suffire à repousser l’horreur loin de lui. Il arrête de parler et s’enferme dans son ghetto intérieur.

Comment ne pas se sentir concerné par les questions que Vicente se pose, lorsqu’il déjeune en famille et qu’il se sent coupable d’avoir autant à manger alors que sa mère souffre de la faim, lorsqu’il se dit qu’il aurait du insister et la ramener de force en Argentine avec lui ?

Une lecture poignante servie par une belle écriture.


14 réflexions sur “Le Ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena

  1. Ah ce roman je veux le lire, mais je sens qu’il va être emprunté à la bibli
    (et pour le prix Elle, j’ai encore essayé cette année – en vain)(j’ai une petite idée sur l’une des raisons, je verrai l’année prochaine si j’ai raison)

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    1. Ah oui je vois bien les livres qui ne reviennent à la bibliothèque que pour repartir ! Cet été, j’ai fait une véritable chasse à l’un d’entre eux ! 😀
      Tu m’intrigues pour le prix Elle ! Tu me diras ta petite idée ? Je suis étonnée que tu n’aies pas été prise, vu la qualité de tes chroniques…

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  2. Ah, celui-ci je tourne autour depuis sa parution. Son écriture me rend très curieuse. Je finirai par me l’offrir, c’est certain, peut-être un peu plus tard, le lire tranquillement.

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  3. Quel magnifique roman ! J’ai été très touchée par l’histoire, par la manière dont Vicente réagit face à l’indescriptible tragédie vécue par sa famille en Pologne. La plume de Santiago H. Amigorena est effectivement très belle et d’une grande sobriété.

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  4. Une belle lecture, effectivement. J’ai apprécié la sobriété de l’écriture, ainsi que le point de vue original. Mais je l’ai trouvé un peu court… Je ne sais pas ce qu’il m’en restera dans quelques mois ! (oui, je préfère les pavés 😉 )

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