Les heures rouges de Leni Zumas

Qu’en ont pensé les lectrices optimistes ?

Elles ont aimé :

  • Le roman choral
  • La terrible résonance avec l’actualité

Elles ont moins aimé

  • Un démarrage un peu lent

Les Heures rouges de Leni Zumas
Red clocks (16/01/2018)
Traduit par Anne Rabinovitch
Parution le 16/08/2018 aux Editions Presse de la Cité
408 pages

Présentation de l’éditeur : États-Unis, demain. Avortement interdit, adoption et PMA pour les femmes seules sur le point de l’être aussi. Non loin de Salem, Oregon, dans un petit village de pêcheurs, cinq femmes voient leur destin se lier à l’aube de cette nouvelle ère. Ro, professeure célibataire de quarante-deux ans, tente de concevoir un enfant et d’écrire la biographie d’Eivør, exploratrice islandaise du xixe. Des enfants, Susan en a, mais elle est lasse de sa vie de mère au foyer – de son renoncement à une carrière d’avocate, des jours qui passent et se ressemblent. Mattie, la meilleure élève de Ro, n’a pas peur de l’avenir : elle sera scientifique. Par curiosité, elle se laisse déshabiller à l’arrière d’une voiture… Et Gin. Gin la guérisseuse, Gin au passé meurtri, Gin la marginale à laquelle les hommes font un procès en sorcellerie parce qu’elle a voulu aider les femmes.

L’avis de Cécile :

« Pour voir ce qui est. Et voir ce qui est possible. »

Ce titre me faisait envie depuis le festival America, après avoir entendu son auteure, Leni Zumas, s’exprimer lors d’une conférence sur le thème « Portraits de femmes ».
Je ne suis pas une féministe active, je ne lis pas spécialement de littérature féministe (mais assez souvent féminine par contre) mais comment ne pas se sentir concernée par le propos de ces Heures rouges ?
Aux États-unis, dans une société pas si lointaine, une loi a été votée, l’amendement sur l’identité de la personne; elle interdit notamment l’IVG et prône le modèle UPUM (un père, une mère).
Les chapitres donnent alternativement la parole à quatre femmes, chacune d’entre elles désignée par la manière dont elles se perçoivent : la biographe, l’épouse, la guérisseuse, la fille. À ces quatre voix, s’en ajoute une cinquième, celle d’une exploratrice polaire ayant vécu au 19ème siècle, sur laquelle écrit la biographe. Ces quatre femmes vivent dans la même ville, se croisent, se connaissent parfois. Elles se retrouvent toutes à un moment charnière de leur vie, obligées de réfléchir et parfois de redéfinir leurs objectifs de vie.
Je reconnais avoir eu du mal à accrocher pendant les 100 premières pages mais ensuite quand l’imbrication des histoires personnelles les unes dans les autres est devenu plus claire, je n’ai plus pu lâcher ce roman.
L’écriture est percutante, le propos ne l’est pas moins, certaines scènes sont d’une tristesse infinie (je pense notamment à la scène avec les cachalots) mais absolument jamais larmoyantes.
La situation des femmes dans cette dystopie fait froid dans le dos car malheureusement, il ne semble pas si improbable qu’une telle chose puisse arriver de nos jours. Hélas, Leni Zumas reconnaît elle-même que certaines femmes aux États-unis ont encore des difficultés à avoir accès à des soins gynécologiques, et que donc son roman n’est pas totalement une dystopie…

L’avis de Manon :

« le 15 janvier, la loi » chaque enfant à besoin d’un père et d’une mère  » (upum) rétablira la dignité, la force et la prospérité des familles américaines ».  Nous voilà aux Etats-Unis pays qui a rendu l’avortement illégal, et qui est sur le point d’adopter une loi interdisant l’adoption aux personnes célibataires, à suivre des femmes ou des filles à qui le corps n’appartient pas vraiment.

Mattie (la fille) est enceinte, ne veut pas garder l’enfant mais doit se débrouiller pour s’en débarrasser. Ro, la biographe, enseignante et célibataire, a dépassé la quarantaine, et essaie désespérément de tomber enceinte avec plusieurs traitement. Le 15 janvier est sa date limite. Elle ne pourra plus adopter ni bénéficier de la vente de spermatozoïdes. Susan, l’épouse, a elle deux enfants, un mari complètement lourd et se trouve enfermée dans une vie qui ne lui plait pas mais pour laquelle a dû abandonner ses études. Gin, la guérisseuse se retrouve accusé d’avoir voulu avorter une femme qui s’est blessée suite à l’absorption de la potion.

Un roman dont l’écriture m’a, dans un premier temps, fait peur à cause de la distance prise avec les personnages notamment en ne les désignant pas avec leur prénom, qu’on connaît quand même; mais par leur fonction comme la biographe, la fille ou l’épouse. Je craignais de ne pas m’attacher aux personnages mais en fin de compte la magie a opéré. Par un joli coup de de plume plein de douceur, j’ai adoré me retrouver au milieu de ces personnages auxquels je me suis accrochée avec plaisir pour suivre leur tourments. J’ai aimé les liens que l’auteur tisse entre les personnages pour nous dévoiler délicatement les traits de ces femmes, leur parcours, leur combat. S’il s’agit là d’une fiction, la frontière avec la réalité est vraiment très fine.Ce qui rend la lecture assez effrayante.


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